En général quand on se renseigne pour mieux investir, on est noyé dans des informations très précises. "Tu devrais acheter telle action ultra confidentielle qui va décoller", "ton assurance-vie il faut absolument l’ouvrir chez ce courtier" etc. L’actualité économique et les discussions en finance sont centrées sur les détails, les finitions des stratégies d’investissement. C’est plus complexe et ça fait paraître savant, et c’est plus glamour aussi. Moi je veux qu’on dézoome un peu et qu’on revienne sur des concepts plus simples : les actions, les liquidités, l’immobilier, les obligations etc. Je veux revenir aux grandes catégories qui constituent ton épargne et tes investissements, et surtout leur répartition. Précisément parce que c’est la répartition de ton argent entre ces différentes classes d’actifs qui va faire l’écrasante majorité de la performance de la croissance de ton patrimoine. On appelle ça l’allocation stratégique, et c’est sur ça qu’on va s’attarder aujourd’hui. Je veux te prouver que c’est sur ce point que tu dois concentrer tes efforts. On va voir ensemble les facteurs qui font varier cette allocation, pour que tu comprennes mieux comment organiser la tienne. On va illustrer tout ça par des exemples d’allocations assez standards.
Mais d’abord, deux mots de théorie pour bien comprendre de quoi on parle.
De quoi parle-t-on ?
L’allocation stratégique des actifs est basée sur le principe que les grandes catégories d’actifs, comme les actions, les obligations, l’immobilier pour les principales, vont se comporter différemment en fonction des conditions économiques. Par exemple, en période d’inflation, les obligations rapportent généralement plus tandis que le rendement des actions diminue. Ces classes d’actifs vont se différencier en termes de rendement, de risque, de volatilité et surtout elles ne sont pas parfaitement corrélées. Tout ça va te permettre une diversification qui réduit le risque de variabilité du rendement global visé pour ton patrimoine.
Une allocation stratégique va donc être invariable en cas de changement de régime économique, et c’est là tout son intérêt. C’est un peu la colonne vertébrale de ta gestion financière. En fonction de certains critères sur lesquels on va revenir, tu vas pouvoir la déterminer et la conserver sans te soucier de l'actualité économique. C’est donc une allocation idéale et théorique, qui sert de repère pour gérer tes finances dans la pratique.
Je pense que tu commences à comprendre le poids que cette allocation peut avoir dans la performance de ta gestion financière. Et tu n’es pas le seul, puisque de nombreux travaux de recherche scientifique ont été menés pour essayer de mesurer l’impact d’une bonne allocation chez les gérants de fonds d’investissement. La plupart de ces études se rejoignent autour d’un chiffre assez édifiant, puisque l’allocation expliquerait 90% de la performance et de la variabilité des rendements totaux…
Alors tu vois que discuter de quelle action acheter ou quel indice boursier suivre ça arrive bien après la réflexion sur le pourcentage de ton patrimoine qui doit être exposé au marché des actions. Revenir à la base, c’est ça le message clé de cet article. Maintenant, on va voir les facteurs qui peuvent modifier une allocation stratégique, pour que tu puisses créer la tienne sur mesure.
Les facteurs à prendre en compte
Bien sûr, on va retrouver ton horizon de placement en premier facteur. On ne place pas son argent sur les mêmes supports quand on souhaite le retirer dans deux ans ou dans vingt-cinq. Dans la plupart des cas, cet horizon de placement est reflété par ton âge. Quand on est relativement jeune et qu’on a du temps devant soi, on peut se permettre d’aller vers des actifs avec des frais d’entrée importants et une faible liquidité comme l’immobilier en direct et les SCPI. C’est aussi le bon moment pour investir en bourse parce que la longue durée d’investissement va permettre de profiter du très bon rendement des actions à long terme en lissant le risque lié à leur volatilité. Au contraire, en se rapprochant de l’âge de la retraite, on va chercher plus de stabilité et de sécurité et donc il faut s'intéresser un peu plus aux produits basés sur les obligations comme les fonds euros des assurances vies.
De la même façon, si tu as un stress financier important à venir, comme des études, un mariage ou une place en maison de retraite à financer, il va falloir jouer cette carte de la sécurité en augmentant la proportion d’épargne à faible risque et idéalement garantie. Tu vois donc qu’il faut être en capacité d’anticiper ton avenir quand tu constitues ton allocation, et donc de savoir où tu en es dans ta vie financière.
La répartition de tes pions financiers ne sera pas du tout la même si tu es en phase de création de patrimoine avec une allocation agressive et relativement risquée, ou bien si tu souhaites profiter de ton patrimoine et en tirer des revenus, avec un portefeuille sage d’actions à gros dividendes. Aussi, si tu essaies de préserver le patrimoine familial, ta gestion sera encore différente, avec souvent plus d’obligations et d’immobilier patrimonial. Savoir quels sont tes objectifs financiers et les anticiper le plus possible, c’est le plus important !
Je vois encore trois facteurs personnels qui doivent être pris en compte dans ta réflexion : d’abord la stabilité ou non de tes revenus et de ton métier en général. Si tu es freelance dans un domaine saturé, ce n’est pas une bonne idée de bloquer ton épargne dans des actifs peu liquides ou très risqués. Dans ce cas, tu as besoin d’un filet de sécurité sur lequel tu peux compter.
Ensuite, tu dois essayer d’évaluer ta tolérance face au risque de tes investissements, même si on la découvre souvent à chaud. Est-ce que tu es à l’aise avec le fait de bloquer plusieurs dizaines de milliers d’euros dans un apport immobilier ? Est-ce que tu arriverais à dormir en cas de turbulences sur les marchés financiers en gardant confiance en ton allocation ? Toutes ces questions, il vaut mieux se les poser à tête froide, pour éviter d’adopter un schéma d’allocation non adapté à ton profil.
On peut prolonger l’idée en parlant de l’importance de tes goûts personnels. La plupart des investisseurs ont leur "dada", en France c’est souvent l’immobilier locatif avec toutes ses spécialités, mais on voit aussi des profils qui ne jurent que par leur portefeuille boursier. Prends le temps de découvrir toutes les classes d’actifs et celles qui te parlent : tu les maîtriseras d’autant mieux. Enfin évidemment, il faut éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier, les allocations polyvalentes et diversifiées seront bien plus robustes.
Ça fait beaucoup de facteurs à garder en tête, même si finalement tout cela est très logique, alors on va voir ensemble deux exemples d’allocations qui correspondent à des profils assez répandus, pour bien fixer les bons réflexes.
Exemples d'allocations stratégiques
On peut se pencher sur le cas de Nathan, 25 ans, qui a commencé à travailler en tant qu’ingénieur il y a deux ans et qui touche un revenu confortable par rapport à ses charges qui sont encore très faibles. Il est encore en colocation, n’a pas d’enfants à charge et de voiture. Il peut donc mettre de belles sommes de côté pour son âge, mais il ne sait pas trop où, puisqu’à part son voyage prévu pour l’été prochain, il n’a pas de gros projet à financer. Ce qu’on peut lui conseiller, c’est d’adopter une allocation agressive avec par exemple 70% de son patrimoine exposé aux marché actions, idéalement via des fonds indiciels sur PEA. De cette façon, il aura un rendement global de son patrimoine élevé. Si un krach survient sur les marchés financiers, il n’aura pas à s’en soucier puisqu’il aussi sera là pendant la remontée, il n’a aucune raison de faire un retrait avant encore quelques dizaines d’années. Le risque est pour lui très relatif. En parallèle on peut lui conseiller de garder un petit tiers de son épargne en liquidités et en obligations, sur les livrets bancaires et en fonds euros d’assurance vie. Pour lui, c’est une bonne idée d’anticiper la constitution d’un apport immobilier avec de l’épargne sécurisée, tout en remplissant généreusement son PEA, pour la retraite par exemple.
Ce sera différent pour Louise, qui est graphiste freelance dans la trentaine, sans enfants elle aussi. Elle aurait raison d’avoir un peu d’actions aussi mais face à la plus faible stabilité de ses revenus, elle devrait garder une plus grande proportion de son épargne sur des supports obligataires comme les livrets bancaires et les fonds euro. D’abord pour avoir une sécurité en cas d’absence de revenus pendant une mauvaise période, mais aussi pour pouvoir toucher à l’immobilier, puisqu’une banque va probablement lui demander un apport beaucoup plus conséquent qu’à quelqu’un en CDI. En même temps, elle devrait se préoccuper de sa future retraite, bien plus maigre qu’un ex-salarié, et utiliser la performance des marchés financiers pour avoir une rente supplémentaire 30 ans plus tard. Pour elle, c’est plus approximatif d’avancer des pourcentages, mais on peut imaginer une répartition inverse avec 70 ou 80% sur des produits obligataires liquides jusqu’à son achat de résidence principale.
On revient au cas de Nathan, maintenant dans la cinquantaine, qui s’apprête à financer les études de ses enfants. Il sait qu’il va avoir besoin de bonnes poches d’épargne sécurisée, et donc il va maintenant augmenter la part obligataire et liquide de son patrimoine. Il a compris que pour lui, ce n’est pas une bonne idée de conserver un patrimoine aussi agressif qu’avant. Il pourrait être forcé de faire de gros retraits de son PEA pour financer les études de ses enfants, ce qui le rendrait totalement soumis à la variabilité du marché et pourrait l’obliger à vendre à perte pendant une récession.
Au même moment, on retrouve Louise, qui souhaite prendre sa retraite. En plus de sa résidence principale, elle a toujours des actions, des obligations et des liquidités. Elle a bien visé son allocation hors immobilier, puisqu’elle a environ 50% en actions, 40% sur des supports obligataires et 10% en liquidités. Ca lui permet de bénéficier d’une rente complémentaire à sa retraite.
Au fur et à mesure qu’elle avance en âge, elle va diminuer la part actions de son patrimoine, car elle peut de moins en moins se permettre d’encaisser un krach boursier sur la moitié de son patrimoine, par manque de temps pour se “refaire” et parce qu’elle recherche une certaine stabilité de sa rente. Elle va donc privilégier les supports obligataires et les liquidités au rendement plus sûr et prévisible.
Elle n’a pas besoin d’avoir un gros rendement global, un petit rendement sur le gros capital qu’elle a pu se constituer auparavant avec ses actions, voilà ce qu’il l'intéresse.
Le mot de la fin
On vient de voir ensemble à quel point il est fondamental de te pencher sur l’allocation de ton argent. Normalement grâce à tous les facteurs qu’on a évoqués, tu devrais pouvoir dessiner un petit graphique d’allocation cible, valable pendant quelques années, qui te servira de témoin pour t’assurer que ta gestion est optimale et ne parte pas dans tous les sens. Je te conseille par exemple de faire un point tous les six mois.
L’allocation stratégique est le moteur de la réussite de ta gestion financière, alors ne la néglige pas. Comme elle est strictement personnelle, prends le temps d’étudier ton cas pour voir où tu te situes sur le spectre des allocations. À la fin, tu auras un patrimoine diversifié parmi et au sein des classes d’actifs et surtout adapté à ta vie.
Merci de m'avoir lu, si l'article t'a plu n'hésite pas à le partager à ceux qui pourraient en bénéficier !
Oscar
L'Éducation Financière Pour Tous est une émission de vulgarisation de bonne gestion financière, diffusée sur Youtube, en Podcast et par écrit sur leducationfinancierepourtous.fr
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